13 août 2020

Une interview avec la Reine de la boulette apéro

Général

Le 15 avril 2020, la boulette apéro a été officiellement reconnue comme faisant partie du patrimoine culturel des Pays-Bas, sous le nom de Bitterbal. La cheville ouvrière de cet agrément majeur dans l'histoire du snack préféré de la population batave est Ilona, mieux connue comme la Reine de la Bitterbal. Nous l'avons contactée pour un entretien.

Une interview avec la Reine de la boulette apéro

Bonjour Ilona ! Qui es-tu et que fais-tu dans la vie ?

Je m'appelle Ilona de Wit, j'ai 38 ans et je suis une vraie épicurienne de Tilbourg, dans le Brabant néerlandais. Bon, c'est vrai que sur Instagram, je suis aussi connue sous le titre très flatteur de Bitterballenkoningin, c'est-à-dire la Reine de la Bitterbal. Mais ce que je fais dans la vie de tous les jours n'a rien à voir : je travaille à temps partiel comme spécialiste opérationnelle sur le thème de la cybercriminalité à la police… Sinon, je m'occupe beaucoup de mon potager et je consacre surtout beaucoup de temps à la cuisine et à l'élaboration de recettes pour mon blog culinaire ‘Worstenbrood & Wijn’. Depuis cette année, je suis également auteure et éditrice du livre Het Bourgondische Bitterballenboek’; j'ai consacré le 27 mars en tant que Journée Nationale de la Bitterbal et introduit une demande pour intégrer cette boulette à l'apéro dans la liste du patrimoine immatériel des Pays-Bas.

Quel programme, quelles ambitions ! Mais dis-nous, comment est née ta passion pour la bitterbal ?

Eh bien, je crois l'avoir toujours eue. Je l'avais oublié, mais quand j'ai posé la question à maman, elle m'a répondu que je raffolais déjà des boulettes apéro à l'école primaire. Il paraît que j'en offrais en classe aux grandes occasions. Maman les passait à la friteuse à 10 heures du matin pour me les amener à vélo à l'école !

Mais de passion dévorante, on ne peut vraiment en parler qu'à partir de 2016, lorsque je me suis mise à en préparer. J'ai tellement adoré le goût, j'ai été si stupéfaite du nombre incroyable de variantes que je n'ai plus jamais arrêté. C'est devenu un hobby dans mon hobby.

Préfères-tu les boulettes apéro avec de la viande en dés ou effilochée ?

Je préfère les boulettes apéro avec de la viande effilochée, plus typique du Brabant néerlandais. Mais, quelles que soient les variantes, elles doivent regorger de goût et être bien farcies. Il faut pouvoir reconnaître la viande.

Entre la marque Van Dobben et de Bourgondiër, laquelle préfères-tu ?

La Bitterbal de Van Dobben est une excellente boulette apéro pour un bistro ou en terrasse, mais elle n'arrive pas à la hauteur de la Bitterbal de Bourgondiër. Je trouve que son goût et sa farce sont fabuleux et dépassent de loin toutes les autres boulettes apéro.

La Bitterbal de Bourgondiër dépasse de la tête et des épaules toutes les autres variantes de boulettes apéro.

Ce qui est génial – et c'est grâce à toi – c'est que toutes ces boulettes apéro font désormais partie du patrimoine néerlandais. D'où t'en est venue l'idée ? Et en quoi consiste le patrimoine culturel ou immatériel exactement ?

Contrairement au patrimoine matériel (les bâtiments notamment), le patrimoine immatériel est une forme de patrimoine vivante et dynamique. C'est quelque chose qui se transmet de génération en génération. Depuis avril 2020, les boulettes à l'apéro en font donc partie. L'idée d'introduire une demande m'est venue lorsque j'ai approfondi le sujet durant la rédaction de mon livre consacré aux boulettes apéro. Dans la liste du patrimoine immatériel, on trouvait déjà la préparation de croquettes à la main, mais j'étais étonnée qu'on ne cite nulle part la bitterbal. En examinant le sujet plus en profondeur, je me suis rendu compte qu'elle occupait une place tout à fait spécifique dans la culture néerlandaise des loisirs et de l'apéro. C'est pourquoi j'ai introduit moi-même une demande. Et elle a été validée !

©Photo par Manon de Boer

© Photo par Manon de Boer

Et comment vois-tu l'avenir de la boulette apéro ?

Elle conservera certainement son titre d'apéro préféré de la population batave. Ce n'est pas pour rien que les experts du patrimoine immatériel en ont reconnu les valeurs. Je compte aussi rédiger un programme de préservation. D'après moi, le seul changement envisageable concerne la farce : outre la variante classique à la viande de bœuf, je constate une forte demande en variantes végétariennes, végétaliennes, halal ou sans gluten.

Puisque tu abordes le sujet, as-tu déjà goûté la Bitterbal végétarienne de Mora ?

Oui, et je dois reconnaître avoir été surprise par la farce de la Bitterbal végétarienne de Mora : on dirait vraiment qu'elle contient de la viande effilochée. C'est une belle prouesse. Mais son goût n'est pas assez prononcé pour moi, il devrait être plus soutenu.

Peux-tu nous dire quelques mots à propos du livre que tu as rédigé sur la bitterbal ?

Le Bourgondische Bitterballenboek contient 30 recettes de boulette apéro pour cuisiniers amateurs, à base de viande, de poisson ou de végétaux : chorizo-paprika, porc braisé, quesadilla, curry thaï, moules-lardons, pleurotes à l'orientale. J'explique pas à pas la préparation de la farce, comment rouler, paner, congeler puis frire les boulettes apéro. Tout est écrit et détaillé pour le cuisinier amateur, c'est accessible à toutes les cuisines familiales ordinaires.

L'idée de ce livre m'est venue lorsque je me suis mise à organiser des apéros Bitterbal, pour contenter la curiosité de mes suiveurs, qui voulaient en savoir plus sur mes boulettes apéro. J'ai été séduite par leur enthousiasme et ai répondu à leur demande de compiler mes recettes dans un livre. Il est en vente sur mon site www.bitterballenboek.nl, mais également dans des boutiques en ligne comme bruna.nl et bol.com.

© Photo par Manon de Boer

© Photo par Manon de Boer

Où puises-tu l'inspiration pour de nouvelles boulettes apéro ?

De partout. Cela vient généralement d'une association de saveurs goûtée quelque part, dans un restaurant, lors d'un séjour en vacances, ou d'une idée tirée d'un livre de ma bibliothèque – qui en compte des centaines. Lorsque j'ai l'idée d'une recette, je la travaille et retravaille jusqu'au moment où je retrouve le goût dans la bitterbal.

Quel est d'après toi le moment idéal pour déguster une bitterbal ?

N'importe quand ! (Rires.) Il peut s'agir d'une fête, au bistro, sur la terrasse du jardin. Mais depuis que je prépare moi-même des boulettes apéro, mon moment préféré est la fin de la semaine de travail, le vendredi vers 17h, au bar de ma cuisine, ou au jardin. De préférence avec mon époux, des amis et un verre de vin pétillant.

Comment envisages-tu le rôle des boulettes apéro et des croquettes dans l'Horeca ?

Je pense que les croquettes peuvent s'arroger un rôle plus en vue dans les cafés plus luxueux et dans les restaurants, en guise de lunch. Il s'agit alors de croquettes bien garnies avec des saveurs prononcées, servies sur une tranche de pain artisanal ou faisant partie d'un plat. Moins comme un snack rapide et gras que dans son rôle ancien de produit issu de pâtissiers et de grands chefs. En ce qui concerne les boulettes apéro, j'espère que les exploitants Horeca se tourneront plus souvent vers des produits de qualité – mais ça dépend évidemment d'un établissement à l'autre.

J'aimerais bien davantage que l'on considère la croquette et la bitterbal dans leur rôle antérieur de produits issus de pâtissiers et de grands chefs.

Quels sont tes conseils aux exploitants Horeca pour le service de Bitterbal ?

Je dirais qu'il faut d'abord assurer leur visibilité sur les réseaux sociaux. Instagram se prête très bien à la diffusion de photos de bons moments passés à l'apéro. Lorsque l'on sert un plat très alléchant, et que je qualifierais de 'instagrammable’, les clients ont souvent tendance à le photographier et à en publier la photo. Une idée : servez par exemple les boulettes apéro dans une boîte à œufs, ou dans un autre ravier aux formes amusantes, avec des cavités adaptées à la taille de la Bitterbal. Il faut également varier les saveurs, à la fois de la boulette apéro et des sauces, et ne pas se limiter à la moutarde. Mais ce qui importe surtout, c'est de choisir une Bitterbal de qualité. Et au besoin, de faire une différence de prix. Mais cela dépend bien entendu du type d'établissement Horeca ou du moment de la journée. Un groupe de potes qui commandent des boulettes apéro un soir au bistro après avoir éclusé plusieurs bières aura des exigences nettement moins grandes qu'un club de copines qui se rencontrent dans un petit resto sélect.

Et que ne faut-il surtout pas faire avec une vraie Bitterbal ?

Tout mettre en bouche trop vite ! C'est un crime de sacrifier ainsi les saveurs, et c'est risquer de se brûler la langue ou le palais.

Et enfin : quelle est ta recette de boulette apéro préférée ?

Cela dépend de la saison : au printemps, c'est celle aux asperges, jambon, œufs et persil. À l'été, j'opte pour une boulette apéro 100 % italienne avec du parmesan, de la burrata, de la tomate et du basilic. Mais ma préférée parmi toutes, c'est la recette d'Edwin Kats, avec du foie de volaille, des lardons et des champignons. C'est un petit bijou. Rassurez-vous, toutes ces recettes sont publiées dans mon livre Het Bourgondische Bitterballenboek.

Toutes les photos de cet article : © Manon de Boer